jeudi 19 février 2009

Grande visite à Ottawa

"Aux commencements (de toute transformation) était l'acte, par lequel les formes d'esprit (les idées) sont descendues dans les choses." (Goethe... amélioré)

C'est le jour enfin de la visite du nouveau président américain tant annoncé qu'attendu partout où il passe avec ferveur et spécialement en notre beau et grand pays du Canada. Il s'agit d'indiquer l'importance de la relation entre les deux pays et renouveler l'entente dans une alliance qui doit traverser la présente transition sans faiblir. La réunion entre le président américain et le premier ministre canadien a été préparée, sans doute, avec une grande attention, d'abord aux détails et pour éviter tout impair mais surtout pour concentrer les discussions sur les questions stratégiques et essentielles, au-delà des enjeux symboliques. Je me dois tout de même de mentionner que ceux-ci ont leur importance spéciale, considérant le poids des perceptions dans le spectacle de la politique en ces hauts-lieux de la dite civilisation où continue de s'élaborer l'empire de la société du spectacle.

Ces questions essentielles et stratégiques me semblent d'abord concerner la rencontre frontale dans la nouvelle vision de la stratégie énergétique, en tant que fondement de la politique économique, avec les préoccupations environnementales qui seront désormais mises de l'avant et, disons-le sans crainte, en toute logique. Premier thème, donc : 1) Indissociabilité de la stratégie de production et approvisionnement des énergies d'avec le souci d'un vigoureux programme d'interventions coordonnées en vue d'un redressement de la situation sur le front de la crise globale des écosystèmes. J'en fais mention comme étant l'énoncé, du moins, d'un principe de la responsabilité durable, qui doit, selon les promesses expresses, guider dorénavant les décisions et arbitrages au sommet de la puissance américaine.

2) Le problème de la guerre locale en Afghanistan, où la participation du Canada se voit correctement reconnue comme la contribution importante d'un allié sincère ; mais la signification de cet affrontement se voit replacée dans le contexte international où les conditions changeantes et alliances mouvantes peuvent mener à de nouveaux risques d'affrontements à plus ou moins large échelle. Si vis pacem, para bellum. Traduction libre : Si tu vises la paix, prépare (ou au moins prévient) la ou les guerres qui possiblement se profilent à l'horizon.

À noter que cette attention aux questions de la sécurité internationale se lie aussi directement, dans la vision globale des nouveaux dangers qui menacent le monde dans ses parties ou son ensemble, aux nuisances proliférantes à causalité écologique autant qu'économique : problèmes atteignants les populations humaines, animales, végétales, etc. Le problème du manque d'eau, par exemple, est particulièrement éclairant à cet égard. L'occupation israélienne des territoires palestiniens est déjà un épisode des guerres de l'eau, qui vont, vraisemblablement, se multiplier aux quatre coins du monde.

3) Sur la question de la crise financière et économique mondiale monsieur Stephen Harper, le premier ministre canadien, peut-il pavoiser ou prétendre marquer des points ? Ici au Canada et le plus souvent pour se remonter le moral face aux constats s'approfondissant sur la gravité rampante de la crise environnementale, certains trouvent de bon ton de vanter la solidité du système bancaire canadien, qui résiste bien, comparativement, dans la tempête mondiale causée par l'effondrement du système financier américain presque complet (quoique dissimulé pudiquement --on ne veut que que cela s'ébruite trop, cette rumeur de la faillite des grandes corporations financières).

Cette solidité relative tient essentiellement à la réglementation plus serrée, le marché intérieur financier étant largement protégé, les banques canadiennes peuvent flotter plus fièrement sur les vagues et les difficultés mais elles aussi, comme les grandes corporations et fonds publics ont largement plongé dans l'assiette des dits "papiers commerciaux" adossés à une créance (pas toujours bonne) largement contaminés par la malversation criminelle et arnaque au public naïf des "subprime" qui a transformé un reflux du marché immobilier en l'éclatement d'une bulle de taille à ébranler tout ce qui existe d'investisseurs pratiquement sur la planète. Et leurs pertes sont importantes.

C'est d'ailleurs au titre des croyances dans les théories économiques que les deux dirigeants se séparent et divergent le plus nettement. Le conservateur Harper croit comprendre mieux l'économie que le président charismatique, suspect de libéralisme au sens américain. En fait il ne comprend pas que la crise financière est si profonde qu'elle remet en question la nature même du système capitaliste encore actuel (mais de moins en moins...). Tandis que le président américain est plus sensible aux problèmes réels de la vie concrète de ses concitoyens créés par cette crise et sympathise incommensurablement plus aux problèmes de famine et de pauvreté mondiales que le premier ministre d'un gouvernement minoritaire qui s'est vu imposer un budget libéral, au sens canadien, par une coalition des partis prêts à le défaire en chambre des communes.

Sur ce plan, donc, il n'y a pas match nul mais au contraire, nette victoire Obama. Les solutions seront inovatives ou ne seront pas, simplement, des solutions aux problèmes très graves et pour la vie des millions de gens, comme vous et moi ; et les investisseurs seront rappelés à l'ordre, les fonds spéculatifs, d'une manière ou d'une autre, responsabilisés. Le public, des deux côtés de la frontières où l'intérêt bien compris imposer de favoriser la fluidité des échanges quelque peu crampée par l'obsession sécuritaire, legs du défunt régime Bush II, sent bien ces choses-là.

C'est pourquoi, avec force sourires et tapes dans le dos, Stephen Harper souhaitait être vu et bien vu avec ce président au charme dévastateur et à la popularité encore virtuellement universelle : histoire de l'augmenter aussi un peu la sienne, de popularité. Car elle est encore un peu trop juste, actuellement, sur le difficile chemin dont le but est l'établissement de son pouvoir enfin incontestable sur un gouvernement enfin majoritaire. Opération publicitaire réussie, donc, à la fin de la journée : bonne journée au bureau pour notre économiste commis aux intérêts pétroliers de l'ouest canadien. Mais l'eau qu'il doit mettre dans son vin, sinon dans son gaz, dénature largement la politique de son gouvernement et de fait l'empêche largement de nuire. Alléluia ! Maintenant le temps travaille contre les "intérêts étroits et mesquins" (cf. Discours d'assermentation du président Obama, voir extrait ci-bas dans notre Introduction) qui sont les siens. C'est ici ma position éditoriale.

Sur ce, je vous souhaite à tous, comme l'officier scientifique Spock et avec tous ses congénères Vulcains, longue vie et prospérité.

PP

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