mardi 24 juillet 2012

James Holmes

«Un nouveau nom s'ajoute à la liste des tireurs fous»... Un nouveau nom ?  C'est celui de James Holmes...  Mais fou ?  Pourquoi fou ?  Est-il fou ?  La question se pose.  Les compétences se mobilisent.  Mais un peu comme Anders Behring Breivik il va probablement clamer sa présence d'esprit dans l'assiette de la santé mentale.

Alors il y a fort a parier que nous sommes devant un autre exemple dans l'émergence d'un nouveau phénomène dans nos sociétés déboussolées : l'émergence ce cette catégorie des tueurs sains d'esprit mais qui décident de passer à l'acte, surréaliste, et de basculer du côté de la destruction.

Faut-il autant s'étonner ?  Depuis longtemps l'industrie du spectacle dans l'empire hollywoodien a basculé du côté au moins de la représentation de la violence et des destructions apparemment infinies.  Envers de la productivité démente et de la constructivité apparemment infinies de notre triomphant régime et mode de production, ce capitalisme devenu insupportable.

Sustainable, le mot le dit mieux en anglais : le développement est devenu insupportable.

Alors, faut-il s'étonner que, frustré, un étudiant d'élite, individu brillant mais un peu terne, sans succès auprès des filles, promu, n'arrive pas à trouver un emploi après quelques mois de recherche.  Éprouvant dans sa chair que quelque chose est cassé dans ce système, dont il s'est pourtant de longues années évertué à suivre les prescriptions à la lettre, il décide de manifester sa colère d'une manière compliquée et qu'il veut originale, car travestie d'ironie : il se veut le "Joker", ennemi redoutable du "Cape Crusader", le chevalier de justice, le Batman lui-même tourmenté, obscur, envahi par le doute.

Et si l'apparence de justice était fausse et ne servait à abriter que la plus cynique et brutale des injustices ?  Le Joker, aux cheveux teints en rouge, tourne tout en dérision, jusqu'à la destruction et il se moque des valeurs et des institutions, il se moque de tout dans sa moquerie hyperbolique, travestissant ainsi son immense colère.

Homes se pose lui-même comme une énigme, ainsi que l'aurait fait le "Riddler", le Sphinx, cet autre éternel (car archétypal) ennemi de Batman à la justice caverneuse, à la quête obscure...

Moi je dis que Holmes et Breivik nous en disent long sur le mécontentement que couve dans nos sociétés.  C'est peut-être un peu comparable à l'émergence d'anti-corps dans ce grand corps malade du capitalisme pourrissant.  C'est l'apoptose d'un tissu social gangrené, de multiples et insidieuses façons infecté par les atteintes du nihilisme sous toutes ses formes.

«Après moi le Néant»...  Comment continuer à prétendre être, se vouloir, devenir une personne saine dans une civilisation malade ?  Comment placer sa volonté de puissance sinon à la Bourse, mais plutôt "in the right slot" devient une question pas tellement pratique.  Pénétrer, quelque part... mais la néant du rêve... Petit jeu qui devient rapidement désespérant pour des individus intenses, qui, pour toutes sortes de raison, dont le manque de collaboration de l'univers, n'arrivent pas à se constituer en personnes complètes.

Ce ne sont donc pas seulement les sectateurs du Coran qui sont tous un chacun au moins potentiellement, petit ou gros terroriste. À notre époque, la violence explosive semble être une des choses du monde les plus partagée.  Chaque petit consommateur dans notre village global attend, comme une bombe au tic tac, son "moment", d'avoir atteint son seuil d'intolérance pour exploser de colère ou basculer dans la décision, l'organisation consciente d'une action que les experts ensuite nommeront "acting out".

Ce sont aussi nos concitoyens, sectateurs du divertissement, à la botte de l'industrie de la violence, qui tournent les armes contre les proches voire eux-mêmes.  Sous le regard dominant de l'industrie du spectacle, un jour peut-être chacun veut son "ten minutes" de gloire wharolienne.

Ici, la chance !  Le tueur qui ne se tue pas, du moins peut-on l'interroger.  Il ne faut pas manquer cette occasion.  Qu'est-ce qui l'a mené à cette décision, à organiser cet attentat doublement spectaculaire à la tranquillité publique ?

L'imitation des modèles est un gros facteur, l'industrie sensationnaliste qui propose ces modèles délirants n'est pas innocente.  Nous avons eu, le mois dernier, à Montréal, une sorte d'imitateur de Dexter, ce cher serial killer qui ne s'en prend, quand il peut, qu'aux autres serial killers et ne s'en prenait pas pourtant au Chinois.  Libre adaptation ici de la série culte narcissiste.

Pastiche, alors, ou imitation approximative: "librement inspirée de..." , avec bien sûr volonté affichée d'effet publicitaire.  Nous assistons à une surenchère dans l'horreur entre le fictionnel et le réel.  Ici le  Luka Rocco Magnotta a posté aux partis (politiques) les parties (choisies) d'un corps démembré.  Il en a fait un poème, désignant à main droit le parti conservateur, à main gauche le parti libéral... et la tête nulle part...  Le cadavre avait littéralement perdu la tête, métaphore sans doute, et l'on a mis des semaines à la retrouver...

Il était né, celui-là, Magnotta, à Toronto où se produisent encore ces jours-ci des fusillades.  Toronto, "la plus américaine (au sens "étatsunienne") des villes canadiennes.  Imitation, ô imitation !  Cet incompréhensible désir, pour un sage, d'imiter le pire chez nos voisins avant-gardistes de la mode, nous rapelle tout de même que l'homme est encore pour beaucoup un singe violent, en même temps qu'ingénieux, dont l'évolution a conduit à produire des armes de sophistication et puissance telles qu'elles échappent à son contrôle (déjà intérieur) déficient et même sa colère et son énorme désir de destruction.

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