samedi 28 janvier 2012

Un discours... magistral! Mais juste un discours ? (posture tragique de la conscience)

Je me suis laissé pendre à écouter avec émotion et enthousiasme le discours du président Barack Obama devant les deux chambres (Sénat et Chambre des représentants) sur l'État de l'Union. Au plan du discours la magie opère plus que jamais.

Le premier président noir dispose d'un ou de très bons scripteurs, est en phase avec les idées exprimées et parvient, semble-t-il à apprendre par cœur le discours qu'il livre mieux qu'un comédien ne sait son rôle, apparemment. Rhétorique efficace, style lapidaire qui vise droit au cœur de l'inconséquente folie de ses adversaires, il entreprenait avec ce discours la campagne pédagogique qui caractérisera son parcours pour briguer le convoité deuxième mandat.



Je me suis laissé prendre, suis-je si naïf !  Je me souviens d'avoir été laissé tremblant d'enthousiasme, transi de la même émotion, à peu près, pendant les premiers discours du nouveau président en début de mandat mais la déception est venue progressivement. Elle serait advenue bien plus rapidement si j'avais observé de plus près les actes et non pas seulement les mots. "Rès, non verba" est une devise romaine dont il est important de se ressouvenir en politique contemporaine.

La grosse puce à l'oreille dans l'évaluation des discours du changement, de la responsabilisation et de l'enthousiasme du "Yes we can!" aurait d'abord été de scruter la composition du personnel dont il s'entourait, surtout sur les postes concernant directement l'économie, conseillers et plus hauts responsables. En effet, prétendant vouloir réformer le système le président s'entourait de ceux-là mêmes qui auraient dû être tenu responsables de la crise pratiquement sans précédent et à laquelle il devait en grande partie son élection, sur fond de catastrophisme.

Deuxièmement, l'éléphant à l'oreille cette fois c'est de considérer d'où venaient les fonds de la campagne électorale victorieuse. Barack Obama devait beaucoup à l'"investissement" des pontes de Wall Street et il se devait, sous peine de sérieux risques contre sa personne, de retourner l’ascenseur. Les réformes tant attendues du système financier fautif se font encore attendre !  Les coupables s'en tirent toujours avec les honneurs, les médailles, les primes exorbitantes financées (plus ou moins indirectement) à mêmes les fonds publics, ces astronomiques bail out dont on a même caché l'ampleur à la population.

Le premier mandat a donc montré un président non seulement impuissant face au pouvoir financier mais encore, complaisant au possible. Peut-on, dès lors, lui faire confiance que le scénario soit si différent lors du second mandat demandé ?  Je crois que cette question n'est pas si facile à trancher. Mais je dois admettre que le cours des quelques dernières années laisse planer un sérieux doute sur le poids et l'importance effective des discours.

Certains commentateurs considèrent que les deux premières années d'un second mandant sont les meilleures années pour imprimer le caractère véritable et essentiel d'une présidence, selon l'image que l'intéressé voudra léguer à l'histoire. Réélu selon un programme radicalement réformiste, le président confirmé jouirait alors d'une fenêtre d'opportunité significative lui permettant de vraiment faire une différence.

Cela serait d'autant plus vrai si les élections de mi-mandat confirmait les grandes orientations politiques en redonnant au parti démocrate les majorités en chambre... Mais c'est un gros "si" et dépendant de tellement de facteurs que cela ne peut être considéré comme acquis. Puis en fin de mandat, dans ses deux dernières années, un président réélu perd son leadership parce qu'il est considéré comme un "lame duck" (canard boiteux).

Vraiment, je remarque que je suis trop influençable, je me laisse aussi gagner par le scepticisme, voire même le cynismes des commentateurs et analystes. L'époque n'est pas facile, les indignés semblent sans recours. Le sens de la démocratie est perdu lorsque le peuple est ainsi ouvertement moqué. Les problèmes sont plus larges que tout ce qui peut agiter un pays soit-il le plus grand ou le plus fort.

Surtout si on le compare à l'indigence idéologique de ses opposants potentiels, les chances de Barack Obama pour prouver sa détermination lors d'un deuxième mandat semblent excellentes. Il faut reconnaître que face aux idéaux dont il se faisait le champion son étoile a beaucoup pâli. Il pourrait encore représenter un vecteur important de changement progressiste par des réformes qui iraient cette fois au cœur du problème.

Il faut une réglementation serrée pour limiter, contrôler et orienter le pouvoir financier dans la direction du service public. Il faut réformer le système fiscal pour que les riches paient leur juste part au moins, que les compagnies, grosses corporations cessent de se moquer du monde, semant le chaos partout et non pas seulement "at home". Il faut reprendre le contrôle du déficit, énorme hypothèque levée sur le destin des futures génération. Il faut sortir d'un système de "développement" qui est drogué à la recherche des moyens de destruction et d'intimidation portés par le complexe militaro-industriel, induisant la vocation prédatrice de l'Empire.

Il faut, par ailleurs, aux opposants motivés et sincères, pour proposer une pensée alternative, développer une autre politique que celle qui passe fatalement par l'alternance des deux grands partis mainstream. Les dés sont pipés en faveur de la puissance de l'argent,  ce qui fait de la soi-disant "plus grande démocratie du monde" (en fait, c'est l'Inde qui pourrait revendiquer ce titre) une parfaite ploutocratie. Cette perversion était déjà dénoncée par Aristote qui rejetait la démocratie à cause de la nature humaine qui exige une guidance plus serrée, la démagogie jouant des passions populaires favorisant la manipulation de la foule par les riches ou les tyrans.

Aristote croyait que le meilleur régime était l'aristocratie, c'est-à-dire, littéralement, là où les meilleurs sont au pouvoir. Les meilleurs en talents mais aussi ayant la plus haute visée pour présider aux destinées de la civilisation. Si le seul but reconnu de la civilisation est de faire de l'argent, gage universel du succès, les talents seront à l'avenant et la décadence à nos portes. Quand il n'y a que les considérations économiques de profit à court terme aux postes de commande stratégique, les "valeurs" se dévaluent, le nihilisme s'accomplit et il devient impossible de s'inscrire dans la durée.

Parlant d'aristocrates, de nos jours, on doit reconnaître tout le talent de la personne, le charisme de Barack Obama. Orateur, tribun du peuple, talents d'acteur ?  Mais s'il ne peut agir pour s’équivaloir à son image, la conclusion de son règne sera amère, et sa mémoire conspuée.

Mais s'il devait décevoir encore l'espoir qui se dirige vers lui, l'image qu'il laisserait dans l'histoire serait à telle point infamante que sa retraite, dorée, n'en serait pas moins compromise. Comment pourrait-il se regarder dans le miroir avec une trahison de plus ?  Comment pourrait-il dormir du sommeil du juste ?


Combien pèse un conscience individuelle face au destin tragique du monde ?  Oh! beaucoup et trop peu.  Combien de mégatonnes ?  Militarisme, environnement climat et "the big picture".


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